Communiqué de presse du 03 / 12 / 2025
Solidarité avec les camarades de la Coordination des Sans Terre du Nord, Paraguay
Les camarades de la Coordination des Sans Terre du Nord ont annoncé l’occupation de la
vaste propriété nommée Lucipar, administrée par le Secrétariat national de l’administration
des biens saisis et confisqués (Senabico). En conséquence de cette affirmation, trois
dirigeants ont été arrêtés sous le chef d’accusation « d’apologie de délits ».
Cette action intervient après des mois sans réponse de la part du Senabico, chargée de
traiter la demande de redistribution des 11 000 hectares de terre, saisie au narcotrafiquant
Cabeza Branca actuellement incarcéré au Brésil. Le dialogue avec les organismes
compétents se poursuivait depuis des années, mais les autorités ont cessé de répondre,
abandonnant de fait leurs responsabilités devant une problématique urgente. Face à cette
inaction, l’occupation des terres constitue un geste de résistance pour permettre une vie
digne aux paysans dépossédés de leur terre.
Cet arrêt des négociations avec une organisation paysanne et la criminalisation de ses
membres est symptomatique de la situation agraire au Paraguay. Une élite agraire
s’accapare la grande majorité des terres afin de produire du soja transgénique avec le
soutien affiché des instances étatiques. Rappelons que 2.5% des fermes possèdent 85%
des terres arables. Cette surconcentration détruit les écosystèmes et s’opère sur le dos
des paysan.ne.s, toujours moins nombreux.ses, alors qu’iels représentent le modèle
productif alternatif le plus crédible en vue du désastre climatique futur. C’est parce que les
paysan.ne.s luttent pour la défense de leur mode de production qu’iels sont intensément
réprimé.es par les autorités publiques en collaboration étroite avec l’agro-business.
Actuellement, les terres du domaine Lucipar sont louées. En cas de mise aux enchères et
de vente, elles retourneraient très probablement entre les mains de grands producteurs de
soja ou de réseaux liés au crime organisé. Les organisations paysannes n’ont pas accès à
ces parcelles en vu de leur prix trop important et de différents mécanismes juridiques et
techniques démotivants leur l’installation. Intégrer le domaine Lucipar à la réforme agraire
faciliterait la répartition des terres et soutiendrait l’activité paysanne. Dans ce contexte,
promouvoir l’application de la réforme agraire, inscrite dans la Constitution, ne doit en
aucun cas être considéré comme un crime. Ce qui suscite en revanche de fortes
préoccupations, ce sont les mesures prises contre le mouvement social et l’appui accordé
à l’agro-business, dans un État dont l’action apparaît principalement répressive plutôt que
tournée vers la protection des droits des citoyennes et des citoyens.
Depuis la France, nous exprimons notre pleine solidarité et restons attentif·ve·s à la
situation. Nous reconnaissons que l’accaparement des terres, la mise en cause des
mouvements sociaux, ainsi que les pressions exercées sur l’agriculture paysanne au profit
d’intérêts fonciers, tout comme les dynamiques de corruption, l’emprise de l’agrobusiness
et du narcotrafic, contribuent à accentuer les crises climatique et démocratique, tant à
l’échelle locale qu’internationale.
Nous exigeons des garanties de protection pour les occupant.e.s, la suspension de toute
expulsion ou mise aux enchères des terres, et la réouverture urgente du dialogue pour
une solution juste.
Signée
France Amérique Latine
Les Amis de la Terre
ACAT France (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)
Amis du mouvement de travailleurs Rureux Sans Terre du Brésil
Solidarité Paysannes Internationales
Collectif des associations de solidarité internationale du Grésivaudan
Les résistances de la terre 68
Confédération Paysanne de l’Allier
Confédération Paysanne de Vendée
ADEAR de Vendée
Soulèvements de la Terre Sud Vilaine
Soulèvements de la Terre du Haut Béarn
Comité local des soulèvements banlieu Est (Paris)
Comité des soulèvements de la Loire
SCOP Les Volonteux, Drôme